EHPAD : "Ma grand-mère s’est sentie humiliée, infantilisée, esseulée"
Suzanne, la grand-mère de Frédéric Pommier, journaliste, a été placée en EHPAD il y a quelques mois. Il raconte son expérience "terrible".
Depuis plusieurs années déjà, la colère monte. Mais ce mardi 30 janvier, le mouvement a pris une ampleur nationale. L’ensemble du personnel des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) a fait grève pour dénoncer les conditions de travail intenables et protester contre le manque de personnel et de moyens nécessaires à un accueil décent des résidents.
Pour Frédéric Pommier, journaliste, il s’agit d’un "scandale d’État. C’est tout le pays qui est concerné par cette maltraitance institutionnelle." Lui-même peut en témoigner. Sa grand-mère Suzanne, âgée de 95 ans, a été placée en EHPAD il y a quelques mois. Il raconte.
"Même à des animaux, on ne donnerait pas des choses pareilles."
"La vie dans cet établissement est une vie qu’elle a trouvée terrible." indique-t-il. Le premier soucis se situe au niveau de la nourriture : "Elle aimait manger et cuisiner. Là, elle s’est arrêtée de manger parce que ce n’était pas bon. Quand je l’avais au téléphone, elle me disait : "C’est infâme. C’est indigne. Même à des animaux, on ne donnerait pas des choses pareilles."."
D’autre part, Frédéric Pommier raconte qu’elle "n’aimait pas la façon que certaines personnes avaient de lui parler. Certains lui disaient "petite mamie", d’autres lui demandaient de se comporter mieux, lui demandaient d’aller vite, d’aller toujours très vite. Elle s’est sentie humiliée, infantilisée, esseulée." Finalement, "elle a eu l’impression que le personnel n’avait pas le temps de bien s’occuper d’elle." conclut-il.
Les aides-soignantes qui choisissent de faire ce métier-là, et qui arrivent à le faire bien, sont des héroïnes.
Frédéric Pommier
Toutefois, le journaliste ne tire pas une conclusion générale de ce qu’a vécu sa grand-mère. "Il y a des EHPAD où tout se passe bien, où il y a de la bienveillance, de la générosité, un personnel qui arrive à prendre du temps pour les résidents. Ces gens-là sont extraordinaires et ces établissements-là sont formidables. Les aides-soignantes qui choisissent de faire ce métier-là, et qui arrivent à le faire bien, sont des héroïnes." estime-t-il.
Mais "il y a encore des établissements où ça ne se passe pas bien. déplore-t-il. Il y en a où les résidents peuvent connaître et subir des actes de malveillance, de maltraitance. Ma grand-mère en a connu certains."
Des témoignes "bien pires"
Depuis qu’il a raconté l’expérience de sa grand-mère, le journaliste a reçu des témoignages par centaines, "des gens qui racontent d’autres choses bien pires, des résidents que l’on contraint à devenir incontinents." Par exemple, des aides-soignants qui n’ont pas le temps d’emmener les résidents aux toilettes, donc ils leur mettent une couche, qu’ils changent une seule fois dans la journée. "D’autres me racontent des résidents que le personnel n’a même plus le temps d’habiller. Des résidents qu’on n’aide pas à manger. Certains mincissent beaucoup parce que ce n’est pas bon ou parce qu’ils n’arrivent pas à manger." raconte Frédéric Pommier.
Sans accabler le personnel, le journaliste dénonce un manque de moyens : "les soignants racontent eux-mêmes qu’ils n’ont même plus le temps, parce qu’ils ne sont pas assez nombreux, de parler avec les résidents." Pour lui, c’est "LE sujet de société qu’il faut traiter en urgence parce que ça nous concerne tous. Les vieux de demain, c’est nous."
La mobilisation générale lancée par l’ensemble du personnel, Frédéric Pommier espère qu’elle fera bouger les choses : "Je pense que si tout le monde parle, on va peut-être réussir à faire en sorte que ce qui est arrivé à Suzanne ne se reproduise plus. Pour que tous nos anciens soient traités de la meilleure des façons et qu’on arrivera à faire en sorte que la France soit un modèle dans l’accueil de ses aînés."
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